Culture : le mot magique, qui signifie tout et son contraire.


Supprimons les bibliothèques, oui.
Préparons le peuple à la lecture unique, rassurante.
La Bible, par exemple.
Le Coran.
Des best-sellers intemporels.
À un prix défiant toute concurrence.
Lire est toujours un acte subversif.
Contre le réel, contre la vérité, contre le mensonge. Contre tout ce qu’on a envie d’y mettre.
Pour soi.
Une bibliothèque est le reflet de soi.
Une partie, du moins.
C’est un meuble accueillant, qui ne fait pas de bruit et ne vous propose pas de publicités chaque fois que vous vous en approchez.
Un meuble presque inutile, donc.
Un meuble à subversion.
Car une bonne bibliothèque est une bibliothèque qui affirme à la fois le lecteur et l’écrivain, inscrits dans ce monde, cette culture qui est à eux seuls et à tous les autres en même temps.
Culture, oui.
Le mot est dit. Le mot magique, qui signifie tout et son contraire. Le mot qui coûte trop cher et ne rapporte pas assez. Le mot qu’on essaie de remplacer par divertissement. Le mot que l’on dit trop difficile à prononcer pour les banlieues.
Pour les Nègres.
Pour les Arabes.
Pour les putes et les soumises.
Le mot inutile, sauf dans les dîners mondains. Le mot absent à côté des grandes cheminées télévisuelles.
Un fauteuil vide.
Qui attend que Dieu vienne y prendre place.
Son trône est prêt.
Brillant de mille feux à côté de la cheminée télévisuelle.
On n’attend plus que lui, dispensant sa sagesse en tirant sur sa pipe, comme un grand-père débonnaire.
« Laissez venir à moi les petits enfants »
pp. 54/55

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